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Catéchèse
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15 octobre 2016

Signons-nous !

 

Signe-Croix-01

Rares sont les anciens livres de catéchisme à évoquer le signe de croix. Comme si ce geste, enseigné au tout début de l’instruction religieuse, ne méritait ni explication ni méditation. Tout simplement parce que tout le monde l’adopte sans même s’interroger.

Et pourtant, le Catéchisme de l’Église catholique le consacre à sa façon, l’érigeant en réflexe matutinal de notre foi : « Le chrétien commence sa journée, ses prières et ses actions par le signe de croix.» (§ 2157) 

Assez prudent, cet usage du présent de l’indicatif ! S’agit-il d’une injonction suggérant son autorité ou d’une recommandation valant normalité ? Difficile de trancher. Considérons alors le signe de croix pour ce qu’il représente : un geste introductif dans le temps de notre journée, un prélude dans l’espace de nos actes, empruntant la sémantique du courage, cette « vertu inaugurale du commencement » chère à notre ami Charles Péguy. Un geste emblématique dont la puissance se nourrit dans la fusion de l’histoire et de la liturgie.

Un signe de reconnaissance

Signe-Croix-03

Avant de venir un signe d’appartenance à la communauté chrétienne, au cours du IIIe siècle de notre ère, le signe de croix valait simple geste de pénitence. Selon la tradition du Dieu colérique de l’Ancien Testament, le prophète Ézéchiel traçait de son doigt la lettre Tav — la dernière lettre de l’alphabet hébreu, signifiant « ici » ou « maintenant », en phénicien, autre langue sémitique —, sur le front des personnes s’exposant à la colère divine. Certes ce signe ne ressemblait pas véritablement à une croix, mais il valait exhortation et prière. Les hommes ainsi « estampillés » de ce signe frontal n’étaient-ils pas censés échapper à la destruction de Jérusalem ?

« Parcours la ville, parcours Jérusalem et marque au front les hommes qui gémissent et qui pleurent sur toutes les abominations qui se pratiquent au milieu d’elle... Quiconque portera la croix au front, ne le touchez pas. » (Ez IX,  4-6)

Après la crucifixion de Jésus, cet acte pénitentiel prend une signification revendicative. Le symbole de la croix se substitue à la lettre Tav comme symbole de la mort et de la résurrection du Christ, comme une proclamation ostensible de sa foi. Et pour être encore plus voyant, le geste ne se cantonne plus au front, il s’empare du corps.

En un seul geste, le signe de croix devient dès lors la plus courte prière, affichant trois pieuses résolutions : vouer sa journée à la Gloire de Dieu en la plaçant sous la protection de la sainte Trinité, accueillir la croix dans sa vie, rappeler le sacrifice d’amour de Jésus et le salut de l’humanité.

Mieux encore qu’une prière, il vaut examen de conscience sur nous-mêmes en résumant quotidiennement le but de notre vie : « aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme de toute ses forces » — verticalité du signe — et « aimer son prochain comme soi-même » — horizontalité du signe —. Avec la ponctuation finale du « Amen », pour appuyer son propos : « Ainsi soit-il », « en vérité », « telle est ma foi ». Un seul petit mot à trois sens, comme une réitérative proclamation !

Un rite d’invocation

Signe-Croix-02

Des sources écrites convergent dès le IIIe siècle pour attester que le signe de croix est devenu dès cette époque un rite d’invocation. Origène (185-253) rappelle que les chrétiens se signent sur le front avant de se mettre à la tâche, notamment avant de pratiquer la lecture des Écritures ou de s’adonner à la prière.

À Carthage, son contemporain Tertullien (150-220) reconnaît là un rite habituel que les chrétiens accomplissent tantôt pour se placer sous la protection de la sainte Trinité, tantôt pour marquer leur appartenance à la communauté chrétienne.

Il faudra attendre la deuxième moitié du IVe siècle pour que ce geste prenne forme idiomatique : Jean Chrysostome (344-349), archevêque de Constantinople, sera parmi les premiers à évoquer et consacrer le « signe de la croix ».

Au cours du IVe concile du Latran (1215), le pape Innocent III veillera à codifier la gestuelle du signe de croix sur des critères métaphoriques :

« Le signe de la croix doit se faire avec trois doigts, parce qu'on le trace en invoquant la Trinité, dont le prophète dit : Il a soutenu sur trois doigts la masse de la terre. — Allusion au prophète Isaïe (Is. 40, 13) —. Il est tracé de haut en bas, et est ensuite coupé de droite à gauche, parce que Jésus-Christ est descendu du ciel en terre et a passé des Juifs aux Gentils. Certains, cependant, font le signe de la croix de gauche à droite, parce que nous devons passer de la misère à la gloire, tout comme le Christ a passé de la mort à la vie, et du séjour des ténèbres au paradis. »

Le signe de croix se pare aussitôt de dimensions symboliques :

  • Le mouvement vertical évoquerait la séparation de la lumière et des ténèbres, notre passage de la misère à la gloire, comme Jésus est passé de la mort à la résurrection. Il symboliserait aussi l’irruption de Dieu dans l’histoire en formalisant sa venue du Ciel (main en haut) à la Terre (main en bas).
  • Le mouvement horizontal évoquerait la séparation des eaux et de la terre, figurant la propagation de l’Esprit saint d’un bout du monde (main à gauche) à l’autre bout du monde (main à droite).

Richesse du sens. Plénitude des symboles. Solennité du geste. Seul problème : au moment d’accomplir le signe de croix, — cette prière la plus courte —, est-il vraiment possible de penser à tout cela ?

Tenons alors le signe de croix pour ce qu’il est, un geste réfléchi et appliqué. Une façon d’ouvrir son cœur à la protection de la Sainte Trinité et une humble demande de bénédiction face aux épreuves du quotidien.

Un geste lent et révérenciel surtout. Parce que nous devons nous faire tout petits face à Dieu. Alors signons-nous. Et n’oublions rien de la beauté du geste !

JG

Signe-Croix-04

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Le signe de la croix selon Tertullien

« À chaque pas, à chaque mouvement, en montant et en sortant, en revêtant nos vêtements ou en mettant nos chaussures, au bain, à table, quand on allume les lampes, en nous couchant, en nous asseyant, à toute occupation, nous marquons nos fronts du signe de la croix. »

Tertullien — De Corona, 3 (150-220, à Carthage)

§§§

Je vais tracer sur moi un beau signe de croix

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Commentaires
X
Très beau Jacques ces commentaires sur le signe de croix. Merci à toi. XG
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